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8 FÉVRIER 1807 : EYLAU, 2e JOUR, LA BATAILLE HEURE PAR HEURE

8 FÉVRIER 1807 : EYLAU, 2e JOUR, LA BATAILLE HEURE PAR HEURE

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Febbraio 8, 2023 - Febbraio 9, 2023    
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Event Type

Vivez Eylau comme si vous y étiez, avec ce texte extrait de l’excellent site internet napoleon-histoire.com, de notre ami Robert Ouvrard 

  

  • 5 heures du matin

Les soldats des deux armées ont passé la nuit sans nourriture, sans abri ni de quoi faire du feu. Il règne un lugubre temps d’hiver.  

Parquin: “Le temps n’était pas froid, mais ce qui était très pénible, c’était une neige épaisse, poussée avec violence par un vent du nord sur nos visages, de manière à nous aveugler. Les forêts de sapins qui abondent dans ce pays et qui bordaient le champ de bataille, le rendaient encore plus triste.” 

Napoléon fait avancer la Garde derrière l’église, Augereau se dirigeant sur la route de Bartenstein, les dragons, la cavalerie lourde et celle de la Garde prenant position derrière lui et plus au sud. En face, dès les premières lueurs du jour, les soldats se préparent. Pas un coup de feu n’a été encore tiré, il règne un impensable silence. 

  

  • 7 heures du matin

Le soleil se lève. Peu après, les russes commencent les hostilités, par un bombardement massif dirigé sur la positon de Soult et sur Eylau.    

Davout : “Le 8 au matin, les armées étaient en présence par un ciel sombre, la neige tombait par rafales et couvrait la terre. C’est ainsi que s’engageait la bataille, qui commençait par une effroyable canonnade prolongée assez longtemps.”   

Coignet: “Le 8 février, les russes nous souhaitèrent le bonjour de grand matin, et nous saluèrent d’une affreuse canonnade. En un instant, tout le monde fut sur pied.” 

Barrès: “Le jour arriva et, avec lui, une épouvantable canonnade dirigée sur les troupes qui couvraient la ville. S’armer et chercher à sortir de la ville ne fut qu’une pensée, mais l’encombrement à la porte était si grand, occasionné par la masse des hommes de tous les grades et de tous les corps qui bivouaquaient en avant et autour d’Eylau que le passage en était pour ainsi dire interdit. L’Empereur, surpris comme nous, eut des peines inimaginables pour pouvoir passer.”   

Davidov: “Soudain, le jour apparut et, avec lui, les soixante pièces de notre artillerie sur notre droite ouvrit le feu dans un grondement. Une partie de l’artillerie ennemie, qui était au repos, derrière les premières maisons de la ville, se démasqua et répondit (..)” 

Napoléon monte au clocher de l’église. Maintenant, le duel d’artillerie est devenu particulièrement intense. Les tirs russes, au début, ne semblent pas être très efficaces, mais le nombre de pièces vient au secours de l’infériorité des artilleurs. 

Coignet: “Les Russes avaient une formidable artillerie; on disait même qu’ils avaient amené de Königsberg vingt-deux pièces de siège.” 

Ce sont près de 800 pièces d’artillerie qui sont en action ! Compte tenu de l’état du terrain, les boulets, ricochant, rebondissant, puis éclatant, font de terribles ravages, même si, tirant parti de leurs positions, les français se protègent bien.  

Coignet: “C’était, dans nos rangs, un épouvantable ravage… Mais quelle position affreuse ! Rester, pendant deux heures, immobiles, attendant la mort sans pouvoir se défendre, sans pouvoir se distraire. De tous les cotés les hommes tombaient, et des files entières disparaissaient.” 

Barrès: “Nous étions sous les coups d’une immense batterie, qui tirait sur nous à plein feu et exerçait dans nos rangs un terrible ravage. Une fois, la file qui me touchait à droite fut frappée en pleine poitrine; un instant après, la file de gauche eut les cuisses droites emportées.” 

Les grenadiers à cheval de la Garde restent, eux aussi, impassibles sous ce feu meurtrier. Quand, malgré tout, certains courbent le dos, le général Lepic, qui les commande, leur crie “Haut la tête ! La mitraille n’est pas de la merde !” (au cours de la bataille, Lepic recevra dix-sept blessures, dont un coup de baïonnette à travers les deux joues et un coup de sabre dans le thorax !). 

Rapidement, des incendies éclatent, sous la mitraille. 

Coignet: “Les obus incendiaient les maisons du village, les obus passaient au-dessus ou au travers, et tout venait tomber comme grêle sur le lac où nous nous trouvions.” 

Pendant trois heures, le duel d’artillerie se poursuit, sans que rien d’autre ne se passe des deux cotés de la ligne de front. 

 

  • 9 heures

Davout arrive en vue d’Eylau et ne perd pas une minute, occupant Serpallen et Klein Saunsgarten.  

Davout: “La division Friant était en tête, suivie de la division Morand, puis de la division Gudin. La lutte prenait immédiatement de ce côté un caractère des plus acharné”.  

Mais la gauche russe, un moment débordée, se ressaisit et Davout est bientôt mis en difficulté.  

Napoléon, pour aider son lieutenant ordonne à Saint-Hilaire et à Augereau de se porter en avant. À ce moment survient une brusque tempête de neige, avec un terrible vent du nord-est, réduisant la visibilité à moins de vingt pas, et chassant les flocons dans les yeux des fantassins français, qui perdent de vue leur objectif. 

Pouget : “La neige survint avec une telle abondance qu’on n’y voyait pas à plus de trente toises”.   

Paulin : “Nous ne pouvions rien distinguer; la neige à gros flocons, poussée par un vent violent du nord, nous aveuglait en nous frappant le visage”   

Il s’en suit que la division Desjardins, puis celle de Heudelet, perdent la direction qui leur était assignée, obliquent vers la gauche, c’est à dire plus au nord, et se trouvent même, un moment, sous le feu des canons français en batterie à Eylau. 

Davout : “un ouragan de neige jetait le désordre dans le combat, sans interrompre le feu de l’artillerie russe, qui en un instant détruisait presque entièrement le corps d’Augereau.” 

Bertrand: “Les divisions Desjardins et Heudelet étaient d’abord rangées sur deux lignes, dans l’intervalle entre le village de Rothenen et la ville d’Eylau. A 10 heures, elles furent portées en avant et débouchèrent, entre Rothenen et le cimetière en colonnes serrés. Ce défilé franchi elles se formèrent en bataille. La 1e brigade de chaque division déployée, la seconde en carré. Tandis qu’elles s’avançaient, une rafale de neige les trompa dans leur direction. Donnant à gauche elles laissèrent à droite un large espace.    

Billon: “Les corps des maréchaux Lannes et Augereau, entre autres, qui occupaient à peu près le centre de l’armée, dévièrent l’un à droite, l’autre à gauche, laissant ainsi entre eux un espace vide.”  

Krettly: “La neige n’avait pas cessé de tomber à gros flocons depuis le matin, et on avait toutes les peines du monde à distinguer les mouvements des ennemis. Elle devint même, un instant, si épaisse qu’il y eut confusion parmi nous. Plusieurs régiments se trouvèrent emportés au milieu des ennemis où ils combattirent au corps à corps.”  

Rapidement séparées du reste du corps de Saint-Hilaire, ces deux unités se trouvent bientôt directement exposées aux tirs de la grande batterie centrale des russes. De plus, les fusils, mouillés par la tempête de neige, ne font pas feu correctement. Nos batteries sont, elles aussi, gênées par la neige. 

Bertrand: “72 pièces russes vomirent à ce moment une telle quantité de mitraille, qu’en moins d’un quart d’heure ces deux divisions furent écrasées.”  

Davidov: “Le corps d’Augereau perdit sa direction, le contact avec la division Saint-Hilaire et la cavalerie, et apparut soudainement, à leur grande surprise, mais aussi à la notre, devant notre batterie centrale, juste au moment où le ciel s’éclaircit.”   

Les russes profitent rapidement de la situation, enfonçant leur cavalerie dans l’espace ainsi offert. 

Davidov: “En un instant les grenadiers de Moscou et l’infanterie Schlusselbourg, avec l’infanterie du général Somov, s’élança sur eux, baïonnettes au canon. Les français fléchirent, puis se ressaisir, opposants leurs baïonnettes et tinrent leur position.” 

Billon: “Les russes lancèrent dans cet espace une masse considérable de leurs réserves d’infanterie, dans le but de couper l’armée française.”   

Paulin: “Le général de division Desjardins, à pied, est atteint d’une balle dans la tête; en tournoyant, il balbutie un commandement et tombe raide mort; le général de division Heudelet reçoit un biscaïen dans le ventre.” 

Le 14e de ligne est brusquement entouré de toute part par l’ennemi, et massacré pratiquement sous les yeux de Napoléon, qui lui envoie Marbot. Augereau est blessé au bras et au visage et évacué: mais la blessure morale est plus grande !  

Maintenant, 4.000 à 6.000 grenadiers russes s’enfoncent ainsi dans la brèche, jusqu’aux approches d’Eylau, sous le regard de Napoléon, dont ils s’approchent dangereusement. 

Davidov: “L’un de nos bataillons, dans la chaleur de la poursuite, dépassa les positions ennemies, et apparut près de l’église, à quelques centaines de pas de Napoléon lui-même.”   

Las Cases: “Il (l’Empereur) se trouva presque heurté par une colonne de quatre à cinq milles russes: l’Empereur était à pied, le prince de Neuchâtel fit aussitôt avancer les chevaux; l’Empereur lui lance un regard de reproche, donne l’ordre de faire avancer un bataillon de sa garde, qui était assez loin en arrière, et demeure immobile, répétant plusieurs fois, à mesure que les russes approchent: Quelle audace ! Quelle audace ! À la vue des grenadiers , les russes s’arrêtèrent net.” 

Craignant pour l’Empereur, sa cavalerie d’escorte se jette à l’assaut des russes, puis Dorsenne donne l’ordre aux grenadiers de la Garde de faire feu sur cette masse ennemie. Ceux-ci, craignant d’atteindre par erreur l’Empereur, refusent et chargent à la baïonnette. Puis l’escadron de service charge les fantassins russes. Par ces actions combinées, ceux-ci sont anéantis jusqu’au dernier. C’est dans cette action que le général Dahlmann trouve la mort. 

Davidov: “Ici se produisit un engagement tel qu’on n’en avait jamais vu auparavant (…) Pendant une heure et demie, on n’entendit plus ni les canons, ni les fusils, on ne percevait que le bruit indescriptible de milliers de braves combattants (…) les cadavres s’empilaient sur d’autres cadavres, les hommes tombaient les uns sur les autres par centaines, de sorte que tout ce coté du champ de bataille ressemblait au parapet d’une fortification soudainement érigée. Finalement, nous eûmes le dessus.”  

François: “L’Empereur envoya un régiment de la Garde, commandé par le général Dorsenne, qui s’avança l’arme au bras; son aspect arrêta net la colonne russe.”   

Cependant, Bennigsen envoie sur le centre français, enfoncé par la charge de ses cavaliers, une colonne de 69 bataillons de fantassins, décidé à couper le dispositif français en deux. Napoléon, qui se tient dans le cimetière, voit cette marche approcher, qui ne tire pas un coup de feu. Il s’adresse à Murat: “Nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là?”.   

Parquin: “Murat, s’écria l’Empereur, prenez tout ce que vous avez sous la main de cavalerie (il y en avait à peu près soixante-dix escadrons dont vingt de la Garde Impériale sous les ordres du maréchal Bessières qui chargea à leur tête) et écrasez-moi cette colonne. L’ordre fut exécuté à l’instant.  

De fait, Murat rassemble la réserve de cavalerie: 3.000 chasseurs et hussards, 7.000 dragons et 2.000 cuirassiers, au total 12.000 cavaliers, et se lance dans la bataille, afin de remplir le vide produit par la retraite des fantassins d’Augereau. La neige, cette fois-ci, favorise les français: les russes n’entendent pas immédiatement cette énorme charge, La cavalerie lourde, ayant derrière elle Bessières, transperce littéralement les lignes russes, qui n’ont pas eu le temps de se former en carré, et reçoivent les cavaliers français alors qu’ils sont encore en ordre de marche.  

Ceux-ci s’enfoncent jusqu’à Anklappen, où ils se heurtent aux dernières positions des russes, adossées aux bois. Ceux-ci, avec un énorme courage, se reforment derrière les cavaliers français dès que la cavaliers français les ont dépassés, alors que, réalisant leur mauvaise posture, ces derniers tentent de rebrousser chemin. C’est une nouvelle charge qu’il faut mener, en sens inverse. Une partie réussi à repasser dans les lignes ennemies, l’autre rejoint, en passant derrière les lignes russes, la gauche de l’armée française.  

Davout: “Cette charge colossale et irrésistible, en désorganisant les masses ennemies, rétablissait le combat qui avait été un instant compromis au centre.”  

Coignet: “La charge fut tellement impétueuse que les grenadiers traversèrent complètement les lignes de l’armée russe, et allèrent se reformer derrière elle pour la percer une seconde fois et revenir à nous. Ils perdirent quelques hommes qui furent démontés, faits prisonniers et conduits à Königsberg; mais le gros des escadrons arriva prés de nous, en bon ordre, couvert de sang et de gloire.”   

Marnier: “Deux escadrons du 1er régiment de grenadiers à cheval de la Garde, sous les ordres du colonel Lepic, avaient détruit par une charge à fond plusieurs lignes d’infanterie; tout à coup ces deux escadrons se trouvèrent enveloppés d’un océan de neige qui ne permettait plus au colonel de reconnaître la position. Cerné de toute part et sommé de se rendre, le brave Lepic répondit au colonel russe: Regardez ces figures là, font-elles mine de céder? Sa phrase à peine achevée, il se précipita sur son adversaire et lui coupa la figure. Il n’y avait pas un moment à perdre: Camarades, s’écria Lepic, il nous faut encore passer sur le ventre à deux lignes russes, puis nous iront, nous et notre aigle, retrouver le quartier général. Le régiment s’élance au cri de Vive l’Empereur ! Les Russes d’abord stupéfaits accourent de tous cotés en grand nombre pour s’opposer au mouvement audacieux des grenadiers. Mais, en dépit de leurs masses, ils sont culbutés, et Lepic, gravement atteint de plusieurs coups de baïonnettes, parvint à rejoindre l’Empereur suivi de son intrépide régiment.” 

Billon: “Je vis le superbe et colossal Lepic parti depuis quelques heures à la tête des grenadiers à cheval, exubérant de valeur, de force et d’audace, revenir du champ de bataille, ou il avait fait des prodiges, se présenter à l’Empereur presque tout dépouillé de ses vêtements, n’ayant plus qu’une botte, couvert de sang et de blessures.” 

  

  • 12 heures

Cette charge de Murat annihile l’avantage que Bennigsen aurait pu tirer de l’enfoncement du corps d’Augereau. Les 4e et 7e divisions russes avaient en effet été utilisées pour poursuivre ce dernier. La 14e, depuis le début de la journée, prêtait main-forte à Bagovout, face à Davout, vers Serpallen, et combattait maintenant entre Klein-Sausgarten et Kreege Berg. Mais l’assaut de Murat a totalement démoralisé les lignes russes, les blessés fuyant déjà le champ de bataille. 

Pendant ce temps, la division Saint-Hilaire a continué sa route, dans la bonne direction, elle, attaquant la 2e division d’Ostermann. Friant, avec la brigade Marulaz et la division Milhaud, s’est formé sur la droite de Morand, arrivée par Molwitten. Ensemble, ils passent à l’assaut de la ligne Klein-Sausgarten – Keege-Berg, tenue par Bagavout et Kamensky. Les combats sont intense, indécis, les villages changeant de main plusieurs fois de suite. Attaques et contre-attaques se succèdent. 

Un moment, les français pensent emporter la décision, quand Kreege-Berg est enfin entre leurs mains. Mais le général Korff, à la tête de 20 escadrons se jette sur Morland et Saint-Hilaire, qui soutient ce dernier sur sa gauche. Morand doit reculer sur Serpallen, Saint-Hilaire sur la route de Bartenstein, où les dragons de Klein viennent lui porter secours.    

Une contre-attaque des français permet de reprendre Klein-Sausgarten et de rejeter les russes sur Anklappen. Friant et Gudin sont maintenant sur les arrières de Kriege-Berg, que les russes évacuent en catastrophe. Saint-Hilaire et Morand réoccupent les hauteurs, qu’ils vont conserver pour le reste de la journée. Y plaçant l’artillerie du IIIe corps, ils prennent, en enfilade, par derrière, des files entières de russes.  

Avec la division Gudin, à laquelle il ajoute toutes les troupes dont il peut disposer, Davout s’avance sur Anklappen. 

L’armée de Bennigsen commence à se dissoudre. Les russes s’enfuient par Anklappen, Davout sur leurs talons. Les français atteignent même Kutschitten. La ligne russe se désagrège, incapable de résister plus longtemps. Dans l’angle dont le sommet est à Eylau, il n’y a que tués, blessés, démoralisés. La route de Domnau, vers la Russie, est menacée. Seule celle de Königsberg est encore ouverte, mais l’emprunter signifie risquer d’être rejeté à la mer, comme les prussiens à Lübeck. 

Seule l’extension considérable de la droite française constitue encore un espoir, le seul… Cet espoir, il semble approcher du nord-ouest. 

  

  • 16 heures

Le petit corps prussien de Lestocq n’avait cessé de rétrograder depuis le 2 février, parcourant environ 150 kilomètres, sans parler des nombreux détours, par des routes gelées, et le plus souvent de nuit. Suivant les instructions de Bennigsen, Lestocq était arrivé, par Kanditten, à Orschen. Là, il avait trouvé la voie bloquée par les français, les russes retraitant sur Eylau. Il décide de continuer sur Hussehnen, où l’ordre arrive, dans la nuit du 7 au 8, de se hâter vers Althof et de rejoindre les russes pour la bataille. L’ordre de marche est donné vers 8 heures le matin du 8.  

Lestocq, après des escarmouches avec Ney, arrive à Althof, vers une heure l’après-midi, mais avec seulement 6.000 hommes. Ils les dirigent immédiatement vers la droite étendue des français, vers Anklappen et Kutschitten, où d’importantes troupes montrent que le village est occupé. Mais leur avance est stoppée par le flot de soldats russes retraitant sur Schmoditten. 

Lestocq lance une attaque sur Kutschnitten, repousse les français, qui doivent évacuer Anklappen. 

Davout: “Le général Lestocq, échappant à Ney, arrivait sur le champ de bataille, sur les derrières de l’armée de Bennigsen, avec 10,000 Prussiens, et se joignant à une colonne russe, se portait avec fureur sur le maréchal Davout, qui n’avait cessé de gagner du terrain depuis le matin et avait atteint Klein-Sausgarten, même Kuschitten, presque sur les derrières de l’ennemi.” 

Davout, conduisant lui-même les divisions Friant et Gudin, tient tête à ce nouvel assaut, avec ténacité, sans avancer ni reculer. 

  

  • 17 heures

Mais Lestocq a à ses trousses les 8.000 hommes de Ney qui, à la nuit tombante, arrive sur le champ de bataille, menaçant Schloditten. Cela redonne du courage à Davout, qui repart à l’assaut d’Anklappen et Kuschnitten 

Davout: “Ney, courant toujours après les Prussiens de Lestocq, arrivait enfin à son tour sur le champ de bataille par Schmoditten, prenant l’ennemi dans son flanc droit et sur ses derrières. Dès lors les russes, impuissants au centre sur Eylau, se voyaient exposés à être pris comme dans étau, d’un côté par Davout qui les serrait de près avec une opiniâtreté héroïque, de l’autre côté par Ney qui arrivait sur eux.” 

Parquin: “Vers quatre heures du soir, à la nuit tombante, nous entendîmes gronder le canon sur notre gauche. C’était le maréchal Ney, avec le VIe corps, qui entrait en ligne de bataille, chassant devant lui le corps prussien commandé par le général Lestocq, corps qui occupait l’extrême droite de l’armée ennemie et qui ne parut que pour être témoin de la perte de la bataille.”  

Plaige: “Enfin l’arrivée du VIe corps d’armée (Ney) força l’ennemi à nous abandonner le champ de bataille qui était de part et d’autre encombré de morts, de mourants et de blessés.” 

  

  • 22 heures

Les combats ont cessé. Ney s’étant retiré sur Althof, les russes réoccupent Schloditten sans opposition.   

Coignet: “Nous ne perdîmes pas le champ de bataille, mais nous ne le gagnâmes pas, et le soir, l’empereur nous ramena à la même position que nous occupions la veille.”  

Barrès: “Vers la fin du jour, ils nous cédèrent le terrain et se retirèrent en assez bon ordre, loin de la portée de nos canons. Une fois leur retraite bien constatée, nous fûmes reprendre notre position du matin, bien cruellement décimés et douloureusement affectés de la mort de tant de braves.” 

Guyot: “L’on ne s’est séparé qu’à la nuit sans perdre de terrain de part et d’autre.” 

  

  • 23 heures

Conseil de guerre chez les russes. Bennigsen informe ses généraux qu’il est décidé à retraiter sur Königsberg, avant qu’il ne soit trop tard. Il n’ a plus ni nourriture, ni munitions, il n’y a donc pas d’autre issue. Knorring et Osterman offrent de reprendre les combats. Lestocq, appelé au conseil, alors qu’il se prépare à un troisième assaut contre Davout, renchérit dans ce sens… Mais Bennigsen insiste, il sait qu’il a perdu au moins 20.000 hommes. Puis, épuisé par 36 heures sans sommeil, il s’en va dormir au milieu de son armée détruite. 

A peu près à la même heure, Napoléon et Soult confèrent dans une maison transformée en hôpital de campagne, où Larrey, insensible au froid, opère sans relâche. Une table est promptement débarrassée, sur laquelle les cartes sont étalées, éclairées de bougies. Bientôt, Berthier et Murat sont présents. Les quatre hommes confèrent et rapidement décident qu’au moins, le lendemain, l’on se maintiendra sur le champ de bataille.   

Au moment où Soult remonte à cheval pour rejoindre son corps d’armée, Napoléon lui lance: “Maréchal, les russes nous ont fait beaucoup de mal !”  Ce à quoi Soult répond : “Et nous aussi !  Nos boulets ne sont pas en coton !” 

 

  • Minuit

Les russes commencent leur retraite vers Könisgsberg, par Mühlhausen. A deux heures du matin, ils sont suivis des prussiens, qui prennent la direction de Domnau et Friedland.  

Pouget: “Après des prodiges de valeur et une perte immense de part et d’autre, l’ennemi se retire sur Königsberg, nous laissant maître du terrain.”  

Pasquier: “Davout, qui bivouaquait avec le corps le plus avancé, a raconté, qu’au moment ou il allait commencer son mouvement rétrograde, un officier arriva des avants-postes pour le prévenir qu’on entendait un bruit très marqué dans le bivouac de l’ennemi. S’étant alors transporté le plus près possible du bruit, et ayant mis l’oreille en terre, il reconnut distinctement la marche des canons et des caissons et, comme le retentissement allait en s’éloignant, il ne douta plus que l’ennemi fût en pleine retraite. En ayant fait avertir l’Empereur, celui-ci ordonna aussitôt de garder les positions et ce fut ainsi que le champ de bataille resta décidément à l’armée française.” 

  

  • Retour sur le colonel Louis Lepic, nommé général sur le champ de bataille  

Après avoir exécuté quelques mouvements, le colonel Lepic se trouve enveloppé par l’armée russe. Sommé de se rendre, il répond au parlementaire en montrant ses grenadiers: Regardez ces figures, et dites-moi si elles ont l’air de vouloir se rendre. Néanmoins, Lepic, connaissant tout le danger de sa position, s’adresse en ces termes à ses grenadiers: Amis, il faut vaincre ou mourir aujourd’hui, nous avons trois lignes d’infanterie à renverser. Beaucoup d’entre nous y resteront sans doute; mais dût-il n’en retourner qu’un seul pour porter la nouvelle, l’honneur du corps et celui de notre étendard seront sauvés.  

A ces mots, les intrépides grenadiers s’écrient: La charge ! La charge ! Et nous passerons ! Lepic se forme alors en colonne serrée par pelotons, ordonne la charge et culbute successivement les trois lignes russes, sans autre perte que celle de six hommes dont un officier; lui-même reçoit dans la mêlée deux coups de baïonnette et un coup de crosse sur les genoux qui l’empêcheront pendant quelque temps de monter à cheval sans aide.   

Le corps qu’il vient de traverser se trouvait alors aux prises avec les Français; ceux-ci voyant arriver sur eux une cavalerie qui débouche du centre des colonnes russes, la croient ennemie, l’accueillent à coups de fusil et tuent deux grenadiers et quelques chevaux. Cependant Lepic parvient à se faire reconnaître et le feu cesse.  

L’Empereur qui, depuis plusieurs heures, ne savait ce qu’étaient devenus les grenadiers de la garde, voit surgir devant lui, presque dépouillé de ses vêtements, chaussé d’une seule botte, couvert de son sang ruisselant par de multiples blessures, le colonel-major Lepic.  

Napoléon l’accueille ainsi: Je vous croyais pris, général, et j’en avais une peine très vive. Lepic lui répond : Sire, vous n’apprendrez jamais que ma mort !    

Le soir d’Eylau, le nouveau général reçoit de l’Empereur cinquante mille francs qu’impérialement, il distribue à ses grenadiers survivants.