• Lisons un extrait de: Les derniers jours de l’Empire, Commandant Henry Lachouque – Artaud, 1965
Lundi, 7 août 1815. Temps sombre et frais. Avant-hier, la liste des personnes qui accompagnent l’Empereur a été arrêtée: Bertrand, Montholon et leurs familles, Gourgaud, Las Cases et son fils, Marchand, Saint-Denis, dix domestiques.
On a caché les bijoux, un peu d’or, puis, l’odieux le disputant à l’imbécile, on a subi la fouille des bagages, l’enlèvement des armes à feu, de l’épée des généraux. Arrêté par un regard d’acier, Keith a laissé à son côté celle de Napoléon.
Dans l’affolement, le désarroi, la peur de l’”habeas corpus”, d’une manifestation violentede l’opposition, d’un enlèvement, le triumvirat Liverpool, Castlereagh, Bathurst, a précipité le départ, bien que le Northumberland ne soit pas prêt; on n’a même pas eu le temps de se procurer à terre l’indispensable pour un long voyage, un séjour indéterminé au bout du monde !
11 heures du matin. L’Empereur fait ses adieux à ceux de ses compagnons qui ne le suiventpas en exil, embrasse Savary et Lallemand en larmes, puis tous défilent devant lui par ordre de grade; certains étreignent sa main ou le pan de sa redingote grise. Il serre la main de Maitland, cause avec lui pendant dix minutes qui marqueront dans la vie de l’Ecossais; soulève son chapeau et remercie en souriant les officiers des attentions qu’ils ont eues pour lui; salue avec une dignité calme l’équipage rassemblé, tête nue, dans la grand-rue; reçoitde la garde les honneurs royaux…
Il voudrait parler encore, mais l’émotion l’en empêche; il fait plusieurs signes de la main et se dirige vers l’échelle de poupe, suivi de sa « Maison » et de l’amiral Keith, dont les pas martèlent le plancher.
“Vous observerez, My Lord, que ceux qui pleurent sont ceux qui restent“. dit Las Cases.
“On entendrait une épingle tomber du mât“, note l’aspirant George Home qui conclut envoyant le canot-major emporter Napoléon vers son destin: “Ce sera une vilaine tache sur notre nom dans les siècles les plus reculés.”»