Le baron de Firmont repousse les troupes de Murat, prend l’offensive et les mène battant jusqu’à Macerata. Les Napolitains se débandèrent; leur général-roi rentre dans Naples, accompagné de quatre lanciers. Il se présente à sa femme et lui dit: “Madame, je n’ai pu mourir.” Le lendemain, un bateau le conduit vers l’île d’Ischia; il rejoint en mer une pinque chargée de quelques officiers de son état-major, et fait voile avec eux pour la France.
Madame Murat, demeurée seule, montra une présence d’esprit admirable. Les Autrichiens étaient au moment de paraître: dans le passage d’une autorité à l’autre, un intervalle d’anarchie pouvait être rempli de désordres. La régente ne précipite point sa retraite; elle laisse le soldat allemand occuper la ville et fait pendant la nuit éclairer ses galeries. Le peuple, apercevant du dehors la lumière, pensant que la reine est encore là, reste tranquille. Cependant, Caroline sort par un escalier secret et s’embarque. Assise à la poupe du vaisseau, elle voyait sur la rive resplendir illuminé le palais désert dont elle s’éloignait, image du rêve brillant qu’elle avait eu pendant son sommeil dans la région des fées.
Caroline rencontra la frégate qui ramenait Ferdinand. Le vaisseau de la reine fugitive fit le salut, le vaisseau du roi rappelé ne le rendit pas: la prospérité ne reconnaît pas l’adversité sa sœur. Ainsi les illusions, évanouies pour les uns, recommencent pour les autres; ainsi se croisent dans les vents et sur les flots les inconstantes destinées humaines: riantes ou funestes, le même abîme les porte ou les engloutit.
Murat accomplissait ailleurs sa course. Le 25 mai 1815, à dix heures du soir, il aborda au golfe Juan, où son beau-frère avait abordé. La fortune faisait jouer à Joachim la parodie de Napoléon. Celui-ci ne croyait pas à la force du malheur et au secours qu’il apporte aux grandes âmes: il défendit au roi détrôné l’accès de Paris; il mit au lazaret cet homme attaqué de la peste des vaincus; il le relégua dans une maison de campagne, appelée Plaisance, près de Toulon. Il eût mieux fait de moins redouter une contagion dont il avait été lui-même atteint: qui sait ce qu’un soldat comme Murat aurait pu changer à la bataille de Waterloo?
Ce n’est que lorsqu’on a vu que je venais de perdre avec le trône les moyens de continuer la puissante diversion qui durait depuis trois mois, qu’on veut égarer l’opinion publique en insinuant que j’ai agi pour mon propre compte et à l’insu de l’empereur.