
Napoléon la nomme aussi protectrice des Sœurs de charité et des Sœurs hospitalières, et lui offre, en juin 1805, le château de Pont-sur-Seine, dans l’Aube. Elle habite à cette date à l’Hôtel de Brienne, (actuelle résidence du ministre des armées), au 14, rue Saint-Dominique à Paris.
Cette mère auguste de l’empereur et de plusieurs rois ou reines, princes ou princesses, aurait pu en être heureuse et fière, bien plus que de la noblesse de son origine et des alliances de sa famille, si elle n’avait préféré à tous les honneurs personnels, la simplicité de sa vie, le bonheur de ses enfants, la gloire de son fils et la grandeur de la France espérée par la paix avec l’Europe.
Ce ne fut pas tout pour elle: l’empereur eut l’heureuse pensée de conférer à Son Altesse Impériale le titre officiel de Protectrice générale des établissements de bienfaisance et de charité de l’Empire.
Elle accepta cette haute mission avec confiance, et s’en montra doublement digne, par l’expérience des misères à soulager et par les moyens d’y parvenir. Ses principes d’économie, souvent mal jugés, même par les siens, s’appliquaient toujours, à part ses enfants, aux malheureux qu’elle secourait d’une façon pratique, bien comprise et bien distribuée.
Elle donna beaucoup aux fondations charitables, dont elle avait la haute direction. Elle en forma un ministère complet dont sa maison lui fournissait le personnel et distribuait les moyens. Les hauts fonctionnaires de l’État et ceux du clergé lui faisaient connaître, par des rapports précis, les misères les plus dignes d’être secourues.
La somme annuelle prélevée sur la liste civile de l’empereur, pour la distribution des secours dirigée par Madame Mère, était, au début, assez minime. Elle s’accrut, peu à peu, selon les besoins. L’appréciation des demandes soumises régulièrement à l’examen de Son Altesse Impériale, était modifiée ou maintenue, suivant sa décision, d’après les titres reconnus par un conseil supérieur.
Les secours ordonnancés étaient distribués, sans retard, suivant la répartition prescrite par celle que le public appelait l’Impératrice Mère, quoique Madame n’en eût pas le titre officiel. La somme totale des subsides à distribuer, chaque année, augmenta peu à peu, jusqu’à une centaine de mille francs. Le principal dispensateur fut, dans les premiers temps, le cardinal Fesch; mais bientôt l’empereur préféra donner à cette tâche, auprès de sa mère et auprès de lui, un caractère d’autorité plus directe, en assurant plus de valeur à la charité elle-même.
C’est pourquoi il confia cette répartition des secours, au grand maréchal du palais, le général Duroc, en relations constantes avec lui et si digne d’une telle mission, à tous les titres. Madame en jugea les motifs légitimes, en reconnaissant que son frère ne pouvait plus être chargé de cette tâche difficile.
L’auteur (anonyme) d’un ouvrage ayant pour titre “L’Empire” rapporte ce qui suit dans l’une de ses lettres adressées à un personnage de l’époque: “Madame Mère, que ses grandes qualités rendent si respectable, fait de nombreuses aumônes; elle a demandé à son fils d’être à la tête de tous les établissements de bienfaisance; elle s’en est formé un ministère réel, qu’elle dirige activement et par elle-même; M. de Brissac peut donner, à cet égard, des renseignements irrécusables.
Il n’y a là ni faste inconvenant, ni parcimonie sordide; mais comme, en France, nous sommes accoutumés à voir les femmes d’un haut rang jeter l’argent par la fenêtre, la réserve de Madame Mère étonne; on prétend qu’elle penche vers l’avarice; c’est faux, ne croyez aucun des contes que l’on débite là-dessus; il n’y a pas un mot de vrai. — Mais si on vous dit qu’elle emploie à faire du bien son influence sur son fils, qu’elle sollicite pour les prisonniers, tenez cela pour exact.”