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2 MAI 1808 : MADRID SE RÉVOLTE CONTRE LES FRANÇAIS

2 MAI 1808 : MADRID SE RÉVOLTE CONTRE LES FRANÇAIS

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Maggio 2, 2023    
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Le 2 mai 1808, les hommes d’église prêchent la haine de Napoléon. N’incarne-t-il pas la Révolution ? N’est-il pas cet Antéchrist qui a chassé les moines de leurs monastères, obligé les prêtres à apostasier, profané les lieux de culte, proscrit la religion ? Il a même interdit le tribunal du Saint-Office de l’Inquisition !

Parfaitement intégrés à la population, sur laquelle ils exercent un contrôle sans faille, “confondant la cause du Christ avec celle des Bourbons”, les membres du clergé, les principaux adversaires des Français, enflamment les fidèles par leurs prêches dirigés contre l’envahisseur hérétique. Bannis de leurs couvents, les moines se font les porte-parole et les messagers de la résistance. Renseignant sans états d’âme les bandes de la guérilla, ils en prennent parfois le commandement.

• Lisons les “Mémoires du général baron de Marbot. Gênes -Austerlitz – Eylau”, Paris, Hachette BNF, 1891

Dans la journée du 1er mai, des rassemblements nombreux se formèrent dans les principales rues de Madrid et surtout à la Puerta del Sol, immense place située au centre de Madrid. Quelques-uns de nos escadrons parvinrent cependant à les dissiper; mais le 2 au matin, au moment où les princes allaient monter en voiture, quelques domestiques de la maison du Roi sortent du palais en s’écriant que le jeune don Francisco pleure à chaudes larmes et se cramponne aux meubles, déclarant qu’étant né en Espagne, il ne veut pas quitter ce pays… Il est facile de comprendre l’effet que produisirent sur l’esprit d’un peuple fier et libre des sentiments aussi généreux, exprimés par un enfant royal, que l’absence de ses deux frères rendait l’espoir de la nation !…

En un instant, la foule court aux armes et massacre impitoyablement tous les Français qui se trouvent isolés dans la ville !… Presque toutes nos troupes étant campées hors de Madrid, il fallait les prévenir, et cela n’était pas facile.

Dès que j’entendis les premiers coups de fusil, je voulus me rendre à mon poste auprès du maréchal Murat, dont l’hôtel était voisin de mon logement. Je montai donc précipitamment à cheval et j’allais sortir, lorsque mon hôte, le vénérable conseiller à la Cour des Indes, s’y opposa, en me montrant la rue occupée par une trentaine d’insurgés armés, auxquels je ne pouvais évidemment pas échapper; et comme je faisais observer à ce digne homme que l’honneur exigeait que je bravasse tous les périls pour me rendre auprès de mon général, il me conseilla de sortir à pied, me mena au bout de son jardin, ouvrit une petite porte et eut l’extrême obligeance de me conduire lui-même, par des ruelles détournées, jusque sur les derrières de l’hôtel du prince Murat, où je trouvai un poste français. Ce respectable conseiller, auquel je dus probablement la vie, se nommait don Antonio Hernandès; je ne l’oublierai jamais…

Je trouvai le quartier général dans une agitation extrême, car bien que Murat n’eût encore auprès de lui que deux bataillons et quelques escadrons, il se préparait à marcher résolument au-devant de l’émeute; chacun montait à cheval, et j’étais à pied !… Je me désolais… Mais bientôt, le général Belliard, chef d’état-major, ayant ordonné d’envoyer des piquets de grenadiers pour repousser les tirailleurs ennemis qui occupaient déjà les abords du palais, je m’offris pour en diriger un à travers la rue dans laquelle se trouvait l’hôtel de don Hernandès, et dès que la porte fut dégagée, je pris mon cheval et me joignis au prince Murat qui sortait en ce moment.

Il n’y a pas de fonctions militaires plus dangereuses que celles d’un officier d’état-major dans un pays, et surtout dans une ville en insurrection, parce que, marchant presque toujours seul au milieu des ennemis pour porter des ordres aux troupes, il est exposé à être assassiné sans pouvoir se défendre. À peine en dehors de son palais, Murat expédia des officiers vers tous les camps dont Madrid était entouré, avec ordre de prévenir et d’amener les troupes par toutes les portes à la fois.

La cavalerie de la garde impériale, ainsi qu’une division de dragons, étaient établies au Buen retiro; c’était un des camps les plus voisins du quartier général, mais aussi le trajet était des plus périlleux, car, pour s’y rendre, il fallait traverser les deux plus grandes rues de la ville, celles d’Alcala et de San Geronimo, dont presque toutes les croisées étaient garnies de tireurs espagnols. Il va sans dire que cette mission étant celle qui présentait le plus de difficultés, le général en chef ne la donna pas à l’un de ses aides de camp titulaires; ce fut à moi qu’elle fut dévolue, et je partis au grand trot sur un pavé que le soleil rendait fort glissant.

À peine étais-je à cent toises de l’état-major, que je fus accueilli par de nombreux coups de fusil; mais l’émeute ne faisant que commencer, le feu était tolérable, d’autant plus que les hommes placés aux fenêtres étaient des marchands et des ouvriers de la ville, peu habitués à manier le fusil; cependant, le cheval d’un de mes dragons ayant été abattu par une balle, la populace sortit des maisons pour égorger le pauvre soldat; mais ses camarades et moi fondîmes à grands coups de sabre sur le groupe d’émeutiers, et, en ayant couché au moins une douzaine sur le carreau, tous les autres s’enfuirent, et le dragon, donnant la main à l’un de ses camarades, put suivre en courant, jusqu’au moment où nous atteignîmes enfin les avant-postes du camp de notre cavalerie.

En défendant le dragon démonté, j’avais reçu un coup de stylet dans la manche de mon dolman, et deux de mes cavaliers avaient été légèrement blessés. J’avais ordre de conduire les divisions sur la place de la Puerta del Sol, centre de l’insurrection. Elles se mirent en mouvement au galop. Les escadrons de la garde, commandés par le célèbre et brave Daumesnil, marchaient en tête, précédés par les mameluks.

L’émeute avait eu le temps de grossir; on nous fusillait de presque toutes les maisons, surtout de l’hôtel du duc de Hijar, dont toutes les croisées étaient garnies de plusieurs adroits tireurs; aussi perdîmes-nous là plusieurs hommes, entre autres le terrible Mustapha, ce brave mameluk qui, à Austerlitz, avait été sur le point d’atteindre le grand-duc Constantin de Russie. Ses camarades jurèrent de le venger; mais il n’était pas possible pour le moment de s’arrêter; la cavalerie continua donc de défiler rapidement, sous une grêle de balles, jusqu’à la Puerta del Sol. Nous y trouvâmes le prince Murat aux prises avec une foule immense et compacte d’hommes armés, parmi lesquels on remarquait quelques milliers de soldats espagnols avec des canons tirant à mitraille sur les Français.
En voyant arriver les mameluks qu’ils redoutaient beaucoup, les Espagnols essayèrent néanmoins de faire résistance; mais leur résolution ne fut pas de longue durée, tant l’aspect des Turcs effrayait les plus braves !… Les mameluks, s’élançant le cimeterre à la main sur cette masse compacte, firent en un instant voler une centaine de têtes, et ouvrirent passage aux chasseurs de la garde, ainsi qu’à la division de dragons, qui se mit à sabrer avec furie. Les Espagnols, refoulés de la place, espéraient échapper par les grandes et nombreuses rues qui y aboutissent de toutes les parties de la ville; mais ils furent arrêtés par d’autres colonnes françaises, auxquelles Murat avait indiqué ce point de réunion. Il y eut aussi dans d’autres quartiers plusieurs combats partiels, mais celui-ci fut le plus important et décida la victoire en notre faveur. Les insurgés eurent douze à quinze cents hommes tués et beaucoup de blessés, et leur perte eût été infiniment plus considérable, si le prince Murat n’eût fait cesser le feu […].

Les hostilités ayant cessé presque partout, et la ville étant occupée par nos troupes d’infanterie, la cavalerie qui encombrait les rues reçut l’ordre de rentrer dans ses camps. Les insurgés qui, du haut de l’hôtel du duc de Hijar, avaient tiré si vivement sur la garde impériale à son premier passage, avaient eu l’imprudente audace de rester à leur poste et de recommencer le feu au retour de nos escadrons; mais ceux-ci, indignés à la vue des cadavres de leurs camarades, que les habitants avaient eu la barbarie de hacher en petits morceaux, firent mettre pied à terre à un bon nombre de cavaliers, qui, après avoir escaladé les fenêtres du rez-de-chaussée, pénétrèrent dans l’hôtel et coururent à la vengeance!… Elle fut terrible!…

Les mameluks, sur lesquels avait porté la plus grande perte, entrèrent dans les appartements, le cimeterre et le tromblon à la main, et massacrèrent impitoyablement tous les révoltés qui s’y trouvaient; la plupart étaient des domestiques du duc de Hijar. Pas un seul n’échappa, et leurs cadavres, jetés par-dessus les balcons, mêlèrent leur sang à celui des mameluks qu’ils avaient égorgés le matin.