
La jeune fille y séjourne de 1784 à 1792. L’établissement devant fermer par décret du 16 août 1792, elle le quitte, à l’âge de quinze ans. Napoléon la ramène alors à Ajaccio. Mais la Corse est divisée, les Paolistes ont la dent dure, ils s’opposent aux Bonaparte et à Letizia, qui est veuve depuis sept ans. Elle doit, avec ses enfants, s’exiler sur le continent, près de Toulon, puis à Marseille, où la famille vit alors dans une pauvreté extrême, aidée seulement par la solde de Napoléon.
En 1797, Napoléon est général en chef de l’Armée d’Italie. Élisa, qui avait été un temps courtisée par l’amiral Truguet, a 20 ans. Un officier corse d’origine noble, Pascal-Felix Baciocchi, à la carrière militaire peu brillante – à 35 ans il est seulement capitaine d’infanterie légère alors qu’il avait débuté vingt ans plus tôt comme sous-lieutenant au Royal-Corse – la demande en mariage. De plus, les Baciocchi ont entretenu de bonnes relations avec Paoli, l’ennemi de la famille.
Le mariage, favorisé par Joseph, est célébré à Marseille le 1er mai 1797. Napoléon, averti trop tard, ne peut s’y opposer. Les deux époux vivent un temps au château de Mombello, près de Milan, où Bonaparte tient sa cour. Le 11 juillet 1797, Baciocchi est nommé chef de bataillon et reçoit le commandement de la citadelle d’Ajaccio.
En décembre 1797, Élisa et Pascal-Félix sont à Paris, invités par Lucien. Élisa se lie d’amitié avec Mme Récamier. Alors que son époux, commandant d’une demi-brigade, est à Sedan, puis à Saint-Omer, elle rencontre en 1800, dans les salons de Lucien, Louis de Fontanes, directeur du Mercure de France, qu’elle aidera à faire nommer plus tard président du Corps législatif, puis comte de l’Empire, sénateur, et grand-maitre de l’Université. Son ami Fontanes lui présente Chateaubriand. Elle fait lire “Atala” à Napoléon, et obtient la radiation du nom de l’écrivain de la liste des émigrés. Chateaubriand parlera d’elle comme de “la belle”, de “l’excellente protectrice”.
Par le décret du 18 mars 1805, Élisa, devenue altesse impériale, reçoit l’administration, en Italie, de la principauté de Piombino, comprenant l’île d’Elbe, puis la principauté de Lucques. Plus tard, le 2 mars 1809, un sénatus-consulte lui attribue le grand-duché de Toscane, qui en 1808, avait été enlevé à la reine d’Étrurie, et rattaché à l’Empire. De plus, Napoléon fait de son mari un prince, et le nomme général de division. Élisa réside alors à Florence, au palais Pitti.
Élisa, dans son grand-duché, sait s’entourer de personnes sérieuses et compétentes. Elle crée des écoles, des hôpitaux, et une Académie Napoléon qui protège les arts. Elle y fait entreprendre de grands travaux, met en valeur les mines de fer de l’île d’Elbe, relance les manufactures de soierie et de velours. Toutes ses décisions sont systématiquement imprimées dans les deux langues, français et italien.
Le 31 janvier 1814, alors que les Napolitains entrent dans Florence, Élisa, enceinte de trois mois, se réfugie à Lucques, puis retrouve, à Gênes, son mari, part pour la France. Devant l’avance des Alliés, elle perd l’espoir de gagner Paris et se retrouve à Montpellier, où elle apprend la chute de la capitale. Elle part ensuite pour Bologne, puis tente de gagner Vienne pour plaider sa cause devant l’Empereur d’Autriche. Elle retrouve Jérôme à Graz, repart vers Bologne, et en route, à Paseriano, donne naissance à un fils.
Après le débarquement de Golfe-Juan, Élisa est arrêtée par l’armée autrichienne, et internée quelque temps à Brünn en Moravie, elle sera ensuite autorisée par le chancelier Metternich à s’installer près de Trieste, où, sous le nom de comtesse de Compignano, elle retrouve Jérôme et Fouché. C’est là qu’elle décèdera en 1820 des suites d’une mauvaise fièvre. Felix Baciocchi lui survécut jusqu’en 1841. Élisa sera inhumée à Bologne, en la basilique San-Petronio.
La décence, la bonté, quelque fois l’air de l’ennui et de la contrainte, quand elle est avec des personnes qu’elle connaît peu. L’air gai, ouvert, spirituel avec des amis, quand elle s’amuse. Elle passe brusquement d’une physionomie à une autre, comme une idée, d’une affection, à l’idée à l’affection contraire.
La mobilité de sa figure n’est pas son seul charme, c’est aussi la force de son expression; c’est le mélange de diverses expressions. Souvent les rires et les larmes se mélangent. Elle aime passionnément la tragédie, elle sait par cœur des fragments des plus beaux rôles de Racine et Voltaire, elle affectionne les rôles des situations héroïques, elle les débite assez bien, quoiqu’avec un peu d’accent méridional. Elle a ce goût de commun avec le Premier Consul et Lucien qu’elle aime beaucoup. Cela pourrait faire douter s’il est naturel et caractéristique ou communiqué.
Dans la même seconde, elle souffre, elle crie, elle pleure, elle rit et console ceux qui l’entourent. Je n’ai vu personne qui se livrât plus franchement à ses premiers mouvements et qui gagnât moins à les réprimer. Je n’ai vu personne qui réunît tant de mouvement, de prudence et à tant d’abandon, tant de réserve; c’est qu’elle a réfléchi, c’est qu’elle a des principes; les principes dispensent des petits calculs qu’exigerait chaque circonstance. Les principes sont pour la vie morale ce que les comptes faits sont pour le ménage.”