Parmi les trois redoutes construites par les anglais en 1793, celle du Fort Mulgrave, appelée par les Français la Grande Redoute, est certainement la plus puissante. Ses batteries contrôlent La Seyne, les hauteurs de Gaumins, l’Evescat, la Petite rade, le Crotton et les Sablettes. A son intérieur, des magasins blindés, des abris et des parapets pour l’infanterie.
L’armée française est positionnée à moins de 1000 mètres. Un premier assaut a échoué. Le 16 décembre 1793, sous une pluie battante, Dugommier réunit l’Etat-major. Bonaparte propose l’assaut.
7000 hommes rassemblés à La Seyne vont s’affronter aux 3000 anglais avec leurs meilleures troupes et quarante-quatre pièces de gros calibre. Ce fort Murgrave, les Anglais le jugent imprenable, ils l’appellent même le “Petit-Gibraltar”. Leur commandant annonce même haut et fort: “Si les Français emportent cette batterie, je me fais jacobin”.
Cette position clé, le surlendemain de son arrivée, Bonaparte avait proposé au général en chef Carteaux de la faire occuper par une force suffisante. Mais devant l’inaction française, les Anglais, avisés de son importance stratégique, s’y étaient solidement établis.
Le 16 décembre 1793, Bonaparte fait construire, à 200 mètres de la redoute anglaise, une batterie masquée, indispensable selon lui au succès de l’opération. Mais dès qu’elle ouvre le feu elle est immédiatement détruite par les canons anglais. Les canonniers français, effrayés refusent d’y retourner. Bonaparte se fait alors apporter un poteau, charge Junot d’y écrire : “Batterie des hommes sans peur”, et le plante en avant de la batterie. Puis il annonce qu’il n’oblige personne à y venir, mais qu’il y attend les hommes sans peur. Tous les canonniers se portent volontaires. La batterie est remontée. Elle reprend aussitôt son feu sur l’Anglais.
L’assaut final se déroule, sous une très forte pluie, dans la nuit du 16 au 17 décembre. Il y a trois angles d’attaque. Muiron, guidé par un paysan du village, prend la Redoute à revers par l’est. Dugommier attaque par l’ouest, et Bonaparte, avec Marmont et Junot, par le nord. Le capitaine Muiron entre le premier dans la Redoute. Il y est blessé. Le général Laborde, lui aussi, est touché. Pour Dugommier c’est le bras et l’épaule, Victor a le ventre ouvert. Bonaparte a un cheval tué sous lui, et reçoit au mollet un coup de sabre d’un canonnier anglais. Les chirurgiens évoquent un moment l’amputation, mais grâce aux bons soins de Jean François Hernandez, il récupèrera assez vite.
Au cri de “Vive la République”, malgré la très forte résistance anglaise, les Français, à minuit, se rendent maitres du Fort Murgrave. Rapidement après les forts de l’Eguillette et de Balaguier sont repris. Le18 décembre 1793, les français s’emparent du fort Malbousquet. Bonaparte annonce aux commissaires de la Convention: “Demain, ou après-demain au plus tard, vous souperez dans Toulon”.
Toulon est libérée le 19 décembre par le Colonel Cervoni; Bonaparte est déjà en route pour sa nouvelle affectation à Nice, comme commandant de l’artillerie de l’armée d’Italie lorsque, en même temps que Cervoni, il reçoit la nomination de général de brigade..