- Napoléon raconte le combat de Saalfeld :
La canonnade n’a duré que deux heures; la moitié de la division du général Suchet a seule donné; la cavalerie prussienne a été culbutée par les 9e et 10e régiment de hussards; l’infanterie prussienne n’a pu conserver aucun ordre dans sa retraite; une partie a été culbutée dans un marais, une partie dispersée dans les bois.
On a fait 1 000 prisonniers; 600 hommes sont restés sur le champ de bataille; 30 pièces de canon sont tombées au pouvoir de l’armée.
Voyant ainsi la déroute de ses gens, le prince Louis de Prusse, en brave et loyal soldat, se prit corps à corps avec un maréchal-des-logis (Guindey) du 10e régiment de hussards. “Rendez-vous, Colonel, lui dit le hussard ou vous êtes mort.” Le prince lui répondit par un coup de sabre; le maréchal-des-logis riposta par un coup de pointe, et le prince tomba mort.
Si les derniers instants de sa vie ont été ceux d’un mauvais citoyen, sa mort est glorieuse et digne de regret; il est mort comme doit désirer de mourir tout bon soldat. Deux de ses aides de camp ont été tués à ses côtés.
- Le bilan de cette bataille
Il est de 172 tués et blessés du côté français, et chez les Prussien et les Saxons, de 600 morts, 1 000 prisonniers et 30 canons capturés par les Français.
Leur prince héritier Louis Ferdinand, neveu du roi de Prusse Frédéric II, mort, les Prussiens cèdent à la panique, et dans la nuit du 10 au 11 octobre, tirent sur des saxons qui ripostent, chaque armée prenant l’autre pour des Français.
Dans l’affolement, alors qu’ils croient faussement les Français sur leurs pas, les Prussiens jettent dans la Saale 60000 pains que venait leur apporter leur boulangerie de campagne. La route d’Auerstaedt (14 octobre 1806) est ouverte.
- Mais qui est ce Jean-Baptiste Guindey ?
Guindey est né à Laruns le 12 avril 1785, engagé le 31 mai 1803 à l’âge de 18 ans au 10e régiment de hussards, commandé par le célèbre colonel Lasalle, brigadier en 1803 puis maréchal-des-logis en 1805.
Ce 10 octobre, voulant couvrir la retraite de son infanterie, le prince Louis Ferdinand se retrouve seul. Deux hussards foncent sur lui. Le prince décharge sur eux ses pistolets, en met un en fuite, mais l’autre, Guindey fond sur le prince et le somme de se rendre.
Louis répond “Moi, me rendre ! Jamais, Sieg oder Tod !” (la victoire ou la mort), et porte un coup de sabre à la figure du maréchal-des-logis. Avant qu’il n’en donne un second, Guindey, d’un coup de pointe, traverse la poitrine du prince. Ses ordonnances, voyant le prince mal en point, arrivent au galop mais un hussard du 10e surgit, crie “Tenez bon, maréchal-des-logis !”, tue une ordonnance d’un coup de pistolet, et fait fuit les autres.
Guindey se rend compte que, au vu des décorations et à la richesse de l’uniforme, son adversaire est un officier du rang le plus élevé. Blessé – il passera un mois d’hôpital pour se remettre de ses blessures – il rejoint son régiment et annonce à son officier: “Lieutenant, si vous voulez pousser avec moi jusqu’à la rivière, à mille pas d’ici, nous y trouverons le corps d’un officier général que je viens de tuer; c’est celui-là même qui m’a blessé à la figure; nous lui prendrons son épée et son crachat, si toutefois l’ennemi ne l’a pas enlevé”.
Cet officier, guidé par Guindey, retrouve le corps du prince Louis Ferdinand. “C’est moi qui l’ai tué”, dit Guindey , “ma lame de sabre est encore teinte de son sang; il doit avoir un coup de pointe, à travers la poitrine. Prenez sa bourse, s’il en a une, je vous la donne; mais remettez-moi son sabre et son crachat, que je les porte au maréchal”.
Guindey, en possession de son trophée, le porte au maréchal Lannes. Dans le même moment, des prussiens prisonniers, arrivant au 3e corps, annoncent que le prince Louis de Prusse, leur général en chef, vient d’être tué par un hussard français. Cette nouvelle parvient rapidement à l’Empereur.
Pendant que Guindey est aux mains des chirurgiens pour se faire panser, Lannes fait porter à l’Empereur le sabre et le crachat du prince Louis, et demanda une récompense pour ce maréchal-des-logis du 10e hussards. L’Empereur lui accorde la croix d’honneur en disant: “Je l’eusse fait de plus officier, s’il m’eût amené le prince vivant”.
Le 12 octobre au matin, avant de quitter Saalfeld, Lannes va à l’ambulance à la rencontre de Guindey et lui remet sa décoration. Il lui rappelle les mots de l’Empereur. Guindey, en lui montrant sa blessure, lui répond: “Ce n’est pas ma faute, monsieur le maréchal; voyez comme il m’a arrangé, Je puis vous assurer qu’il n’était pas d’humeur à se rendre”.
Le 14 octobre 1806, Guindey est maréchal-des-logis chef au 10ème hussards, puis sous-lieutenant le 20 avril 1807. Il est grièvement blessé devant Saragosse le 21 décembre 1808, et à Wagram, le 6 juillet 1809, où il a deux chevaux tués sous lui. Le 11 septembre 1809, il est lieutenant au 8ème hussards.
Il entre ensuite dans la Garde Impériale, et est lieutenant en second aux grenadiers à cheval le 24 juin 1811, puis lieutenant en second sous-adjudant major le 6 décembre 1811, et lieutenant en premier sous-adjudant major le 9 février 1813. Il est officier de la Légion d’honneur le 14 septembre 1813.
La cavalerie de la Garde Impériale est engagée à Hanau, les 29 et 30 octobre 1813. Le 29 octobre, à l’âge de 28 ans, Guindey trouve une mort glorieuse au cours de cette bataille.