Après la bataille de Craonne, le 7 mars, l’armée française, trente mille hommes, marche sur Laon. Marmont, avec le 6e corps d’infanterie, la division du duc de Padoue, et le 1er corps de cavalerie, par Berry-au-Bac, le reste de l’armée, avec Napoléon, par la route de Soissons, pendant que Blücher concentre ses troupes autour de Laon.
Le 8 mars, l’avant-garde de Napoléon, avec Ney, repousse au canon l’arrière-garde prussienne jusqu’à l’entrée du défilé d’Etouvelles, limité de part et d’autre par d’infranchissables marais, puis bivouaque près d’Urcel, alors que Napoléon et la vieille garde s’établissent à Chavignon.
Des paysans locaux viennent dans la soirée indiquer les chemins pour contourner le défilé d’Etouvelles. Napoléon, dans la nuit, charge le chef d’escadron Gourgaud d’emprunter ces voies, avec deux bataillons de chasseurs à pied et deux escadrons de chasseurs à cheval de la vieille garde, et demande à Ney d’attaquer ce défilé de front.
Onze heures du soir, Gourgaud se met en marche par ces mauvais chemins, dans l’obscurité la plus totale. Il prend du retard. Ney, qui a réussi à passer en force, débouche dans Etouvelles où les Russes, surpris dans leur sommeil, vont avoir de nombreux tués et prisonniers.
À Chivy, Gourgaud fait sa jonction avec Ney. Le jour n’est pas encore levé que Belliard les rejoint, et chasse les derniers fuyards. Les Français sont maintenant devant Laon. Cette ville se situe au sommet d’une butte de deux cents mètres de haut, escarpée et solitaire, forteresse naturelle entourée de hautes murailles. La cavalerie, aussitôt accueillie par un feu nourri, est contrainte de se positionner hors de portée des tirs ennemis pour attendre le jour.
Les premiers rayons du soleil montrent, face aux Français, une armée ennemie en ordre de bataille. Quatre-vingt-dix mille hommes, avec, sur leur droite, dans les collines avoisinantes, une nombreuse artillerie, au centre la montagne de Laon, et sur leur gauche les hauteurs d’Athies.
Les Français prennent facilement quelques villages, Leully, Semilly, Ardon, tandis que Marmont, par la route de Reims, s’avance, vers Athies, vers l’extrême gauche ennemie.
Aux alentours de onze heures, Blücher décide de passer à l’offensive. Il reprend Semilly et Ardon. Les Français refluent en désordre jusqu’à ce que Belliard bloque l’ennemi et reprenne ces des deux villages. L’infanterie s’y installe à nouveau et résiste aux attaques jusqu’à 4 heures de l’après midi.
Napoléon comprend que ce n’est pas par une simple attaque de front qu’il prendra Laon. Marmont ne devait-il pas la favoriser par une attaque de diversion sur Athies ? Ses messages sont-ils arrivés au duc de Raguse ? Sans aucune nouvelle du 6e corps, Napoléon, vers cinq heures, tente à nouveau une attaque frontale.
Clacy, très fortifié par l’ennemi, est pris par les divisions Charpentier, Boyer de Rébeval, Friant et Curial. La brigade Montmarie y fait deux cent cinquante prisonniers. Mais dans le même temps Bülow chasse la division Poret de Morvan, et reprend Ardon.
La nuit tombe. Napoléon, sans nouvelles de Marmont, fait cesser le feu en attendant le lendemain, et retourne à Chavignon avec la vieille garde pour bivouaquer.
Dans la nuit profonde, Marmont chasse du défilé de Fécieux l’avant-garde du colonel Blücher, le fils du général prussien, prend Athies, défendu par Yorck, mais, n’ayant aucune nouvelle de Napoléon, suspend son attaque et bivouaque. Il envoie le colonel Fabvier avec quatre cents cavaliers et deux pièces de canon, pour repérer les positions ennemies.
Blücher interprète l’attaque sur Athies comme étant l’offensive principale française. Pour lui, l’attaque de front sur Laon n’était qu’une diversion. Il décide d’envoyer sur Athies les russes de Langeron et de Sacken, pour soutenir les prussiens d’Yorck, et leur ordonne de prendre l’offensive dès qu’ils auront fait leur jonction.
En fin de nuit, les Alliés approchent en silence des camps français qui n’opposent que peu de résistance, et reprennent Athies. L’ennemi perce jusqu’à la colline où campait le gros du 6e corps. Mais alors que les Français commencent à s’organiser, c’est le corps du général prussien Kleist qui les attaque sur leurs arrières.
C’est brusquement la panique dans les rangs français qui, infanterie, cavalerie, artillerie, fuient en débandade jusqu’à Fécieux. Le colonel Fabvier, qui entend le canon, accourt former l’arrière-garde. Sa résistance est telle que l’ennemi, pensant être au devant de très grandes forces, arrête son attaque. Fabvier réussit à rallier autour de lui les fuyards, alors que Marmont vient s’établir aux environs de Fismes, derrière la Vesle. Marmont a eu peu de tués et de blessés, mais a perdu plus de deux mille cinq cents prisonniers, quarante canons et cent trente et un caissons.
Blücher, qui est persuadé qu’après ce revers les Français ne chercheraient plus à attaquer frontalement Laon, ordonne au cinquante mille hommes de Langeron, Yorck, Kleist et Sacken, de marcher par la route de Berry-au-Bac, afin de couper toute retraite sur Reims, et ne conserve à Laon que quarante mille hommes.
Il est trois heures du matin, Napoléon apprend la déroute de Marmont. Il comprend que pour cela, Blücher a dû nécessairement dégarnir ses troupes de Laon. L’Empereur dispose de dix-huit mille hommes contre quarante mille ennemis avantageusement postés sur une montagne inexpugnable…